samedi 31 mars 2012

km 6 - La Condif ou le « genre », comme ils disent... La nouvelle histoire du Petit Chaperon rouge et de Koko, sa Mère-grand

Didier de Lannoy
alias Vieux Zumbel
(anciennement – et pour toujours - Vié ba Diamba... mais j’ai préféré changer de perruque, depuis que je suis à Kinshasa, pour qu’on ne me reconnaisse pas ?)
Kamundele na makayabo... (cookies ya Kin)Série 1
2011
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La Condif
ou le « genre », comme ils disent...
La nouvelle histoire du Petit Chaperon rouge et de Koko, sa Mère-grand
(6 et 10 novembre 2011)

en hommage à Marie Tumba Nzeza, toujours aussi digne et belle, convaincante et déterminée


Quand elle n'est ni médecin, ni avocate, ni professeur d'université, ni ministre, ni député, ni officier des FARDC, ni ADG, ni affairiste, ni trafiquante, ni pasteur de grande renommée (régulièrement reçue en audience par le Seigneur)... ni l'épouse d'un médecin, d'un avocat, d'un professeur d'université, d'un ministre, d'un député, d'un officier des FARDC, d'un ADG, d'un affairiste, d'un trafiquant ou d'un pasteur renommé (régulièrement reçu en audience par le Seigneur)...
Quand elle est, comme la plupart des femmes de la « basse classe » (comme ils disent), une « maman » tout à fait "ordinaire" (comme ils disent), l'épouse d'un mari

- Un travailleur souvent mal payé, un débrouillard qui vit de "cops" et de petits boulots,
un chômeur à durée indéterminée et sans aucune allocation, un criseur devenu (parfois) soulard et violent...et la mère d'un ou
- Nzalaaaaaaa !
de plusieurs enfants très entreprenants... la femme, en RDC, comme ailleurs dans le monde, n'a pas
- Ils ont faim tous les jours, surtout les plus jeunes ! On doit aussi les habiller, les envoyer à l'école, les conduire au dispensaire ou chez un nganga quand ils toussent et qu'ils sont brûlants de fièvre...
trop le choix...

Ou bien elle fait

- Pour nourrir ses enfants et son compagnon !
le commerce du poisson au marché d'Uvira et
- On ne vend qu'à celles qui ont donné !

doit régulièrement céder aux « avances » de ses fournisseurs, les pêcheurs du lac Tanganyika... et risque de se retrouver enceinte et d'être

- Tu m'as déçu, Chouchou, je suis resté ignoble ! Vraiment je suis touché dans tout mon coeur !

congédiée par son mari et père de ses enfants ?
Ou bien elle enterre son mari et, en tant que (jeune encore) veuve, elle peut
- Pour nourrir ses petits !

devenir, moyennant un "bon salaire" de 150 à 200 dollars le mois, une « mère nourricière » de bébés chimpanzés (au jardin zoologique de Lubumbashi) ou

- Il y a des « partenaires étrangers » qui financent ça ? Il y a de l'argent de la « Communauté internationale » pour ça ?

de bébés bonobos (aux environs de Kinshasa) ?

Ou bien encore, tôt le matin, elle quitte la maison qu'elle partage avec sa mère pour aller enlever les mauvaises herbes dans son champ d'arachides, à environ trois heures de marche de son village, dans le district de Masisi, et se fait
- Pendant deux heures ! L'un d'entre eux me tenait les mains et l'autre les pieds ! Quand ils ont fini, ils m'ont demandé si je voulais qu'ils me tuent !
violer par trois miliciens, tombe enceinte, accouche d'un enfant mort-né et souffre à présent de fistules nécessitant une réparation chirurgicale
?

C'est donc cela, aujourd'hui encore, la condition de la femme dite "ordinaire", la femme dite "de la basse classe", en RDC et ailleurs dans le monde : une travailleuse sans protection sociale, qui fait plus que ses heures et n'atteint jamais l'âge de la pension: domestique à tout faire et servante de tout le monde,
cuisinière, couturière, lavandière et repasseuse, main d'oeuvre non salariée, maraîchère et portefaix, éleveuse de poules et gardienne d'enfants... un organe de reproduction et de perpétuation de l'espèce : menstruée, fécondable, ovulée, engrossée, parturiente, accouchée, allaitante et, finalement, ménopausée... ou encore un objet sexuel à la disposition de tous : entre-cuisses, paire de fesses et
- Mabele na masoko ! Makoma na fuenge !
et de nichons, trou
- Monrovia !
du cul, bouche à pipes et sac à bites ?


Certaines se résignent mais beaucoup (et elles sont de plus en plus nombreuses) résistent, tie
nnent bon et
- Surtout les ados ?
- Ba koko mpe !
refusent de se soumettre et...

... et beaucoup ne veulent pas non plus
- Tolembi !
Tosuki !
jouer dans des pièces, larmoyantes et misérabilistes, écrites par d'autres... et devoir se contenter des rôles passifs, niaiseux et stéréotypés
- La "travailleuse infatigable prenant sur ses frêles épaules la charge de toute une maisonnée", la "mère de famille admirable prête aux plus grands sacrifices pour le bonheur des siens" et la "veuve courageuse qui élève seule ses petits orphelins" des uns... ou la "malheureuse femme violée et fistulée" des autres !
des rôles-clichés, des "rôles de figuration" de personnes sans grande consistance, "faibles" et "vulnérables", sans histoire et ne maîtrisant pas leurs destin, implorant les dieux et suppliant leurs bourreaux, vouées à être continuellement assistées ou secourues... que les églises compassionnelles et les organismes de "bienfaisance humanitaire", quelquefois
- Il y a plein de fric à se faire dans les marchés de la femme et de l'enfant, du planning familial, de la capote ou du viol !

mafieux, s'accordent à... consentent à...
leur réserver
.

C'est ainsi que, dit-on, les champignons
- Surtout les adultes ?
- Ba masta mpe !
doivent commencer à faire trèèèès attention... être vigilants, rester sur leurs gardes, ne pas s'exhiber, ne pas (trop) dégager la nuque, ne pas (trop) tendre le cou, éviter les mauvaises rencontres avec des objets tranchants...

On raconte, en effet, qu'une nzele, une petite kadogo, une fioti-fioti portant un sweat à capuche rouge (armée d'un tournevis, d'un tesson de bouteille, d'un cutter ou d'une demi-lame de rasoir cachée sous la langue) rôde dans les champs et les forêts du Bas-Congo, du Bandundu, de l'Equateur, de la Province orientale ou du Kivu... et aussi dans les quartiers de Kinshasa, Boma, Matadi, Kikwit, Lubumbashi, Kalemie, Mbuji-Mayi, Tshikapa, Kananga, Lodja, Kindu, Uvira, Bukavu, Goma, Butembo, Mbandaka, Gemena, Buta, Bunia et Kisangani... et

- Tala ! Mayeboooooooooooo ! Nalingi yango trop !

qu'elle raffole des champignons et qu'elle n'a peur de rien et qu'elle sait

- Un homme en armes (s'est-il risqué à la courtiser ? a-t-il voulu la prendre de force ?), un "loup", un chacal ou un crocodile, l'a appris à ses dépens ! Elle lui a coupé les roustons au ras du pubis, comme on coupe les champignons... et tranché la gorge ! Sa carcasse n'a jamais été retrouvée !

jouer du couteau !

On dit également que Mère-grand
- Koko !
parfois l'accompagne... faisant mine de s'appuyer sur un gros bâton noueux pouvant lui servir de gourdin... et que "la vieille" est tout aussi déterminée que la gamine... et que "la mamie", toujours alerte et pétulante, à présent libérée des charges et contraintes qui, pendant toute sa vie d'épouse et de mère, l'ont quelquefois empêchée de mener une existence vraiment gratifiante... a librement choisi de ne pas se laisser aller, de ne pas dételer et, tout au contraire, de s'impliquer davantage dans la vie des gens, de s'informer, de s'activer et
- Comme Alphonse Awenze Makiaba à Kisangani ?
- E bongo !

de porter la cause de tous les traîne-misère, sans-le-sou et autres damnés de la terre
- Femmes et hommes ! Jeunes et vieux ! En ville comme à la campagne !
au niveau du combat politique... de mobiliser, de rassembler et d'organiser les laissés pour compte... et de les inviter à présenter et à soutenir la candidature de personnes
- La sienne aussi ?
- Pourquoi pas, si les gens se reconnaissent en elle et lui font confiance !
- Wayaaaaa !
- Ata ndele... Okomona kaka !
qui les représentent réellement aux prochaines élections communales, législatives... et même présidentielles !
Sources (notamment) : deux dépêches de l'agence de presse Syfia Grands Lacs, reprise dans La Référence Plus du 5 novembre 2011; une dépêche IRIN reprise dans La Référence Plus du 10 novembre 2011;