samedi 31 mars 2012

km 15 (série 2) - Tango ya Mobutu

Didier de Lannoy
alias Vieux Zumbel
(anciennement – et pour toujours - Vié ba Diamba... mais je change parfois de perruque, quand ça me gratte)


Kamundele na makayabo...
(cookies ya Kin)
Série 2 – Après les élections
2012

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Tango ya Mobutu...
Or que, en ce temps-là... mais ça n'allait pas durer... un groupe
d’animation sociale et culturelle, d'un type assez particulier, trouvait encore à se produire à l'arrière d'une parcelle de la rue de Momboyo...

18 mars 2012



Un retour en arrière, à la « belle époque »? Une petite promenade, à pied, dans le temps... dans les souvenirs de Vieux Zumbel ? Une galerie de mini
portraits ?

Cela se passait dans les années 1968-1970,
tango
- Le MPR avait été créé ! L'équipe nationale avait remporté sa première coupe d'Afrique de football ! Air Congo, peu à peu, déployait ses "grandes ailes" sur tout le pays et, bientôt, sur toute l'Afrique ! Les travaux de construction de la centrale et du barrage d'Inga I étaient déjà très avancés ! ... Mais le ton commençait à « durcir » ! L'ambiance devenait « sécuritaire » ! Pierre Mulele avait été assassiné ! Le débat politique et le combat syndical étaient interdits ! Les insurrections armées et les mouvements de révolte populaire avaient été durement réprimés avec l'aide de la Belgique et des Etats-Unis ! Les dirigeants et militants de l'UGEC avaient été arrêtés ou envisageaient de fuir à l'étranger... ou de composer avec le régime ! Lovanium était en ébullition ! ... A Kinshasa (ce n'était pas toujours le cas ailleurs ...), balinga, balinga te, les gens obéissaient aux mots d'ordre du parti unique, quelquefois avec enthousiasme... souvent en rechignant... mais en s'en accommodant quand même ! Le mobutisme se mettait en place ! La première Foire Internationale de Kinshasa venait de se tenir ! Zaïko Langa-Langa commençait de chambouler en profondeur toute la musique congolaise moderne ! Un hypermarché (Tembe na Tembe) allait prochainement être construit sur le cimetière des Bateke ! Le Congo-Kinshasa allait devenir la République du Zaïre ! Toutes les femmes, promues à la dignité de « citoyennes », étaient invitées à oublier leurs prénoms chrétiens et à porter des mabaya (et c'était de toute beauté) ! ... Mais on pressentait déjà quelque chose... On se posait un certain nombre de questions... On se demandait (une affaire apparemment marginale, certes, mais significative... et le signal n'était pas bon) quand et pourquoi "Jeunes pour jeunes" allait devoir changer de nom (puis être interdit de paraître, ou devoir se saborder, pour défaut d'intégration à la JMPR... et ça sentait mauvais) et ce qu'allaient devenir Apolosa, Sinatra, Molok et tous les autres... 
ya Mobutu, dans une parcelle de la rue de Momboyo (pas loin de l'avenue Lukandu où Kitoni Mayard ouvrira, plus tard, son célèbre « Petit Jean »), dans la commune de Kasa-Vubu (ex-Dendale) où cohabitaient Vieux Zumbel, logeant dans la "grande maison" avec sa petite famille, et plusieurs célibataires, femmes et hommes, qui occupaient les différents deux-pièces construits à l'intérieur de la parcelle...

Il y avait
, tout d'abord Madame Pauline, une femme de 35-40 ans, infirmière, veuve ou divorcée, sans enfants, querelleuse et « monoko mabe », une personne futée mais dangereuse... Lorsqu’elle était (souvent) de très méchante humeur, Ma Pauline menaçait d'accuser
- Un trafiquant qui est, probablement, de mèche avec
(les "soso"... soki les "sosi", eske ngai nayebi !)  les « socialistes scientifiques »  du Congo d'en face ! Une femme libre qui se moque du Manifeste de la N'Sele ! Une étrangère qui a une télévision pour elle toute seule... et ne regarde même pas et n'écoute même pas les discours du Président ! Qu'est-ce qu'elle s'imagine, celle-là ?
et de dénoncer tout le monde et ne supportait plus les gens (surtout Jimmy, le beau gosse de la parcelle... qui faisait rire Tantine Henriette et lui offrait, parfois, une chaîne « en or » ou une paire de boucles d'oreille)... Tout le monde se méfiait de Ma Pauline jusqu'au jour où les différents locataires de la parcelle ont appris
- Mawa vraiment ! Elle peut vraiment fermer sa bouche maintenant !
qu’elle n'était pas infirmière, ni même aide-soignante mais
- Songi songi ?
- Mabe !
simplement femme d’ouvrage ou, plus exactement, laveuse

- Mawa trop vraiment ! Travailler pour les gens qui ont de l'argent, ce n'est déjà pas drôle ! Mais si, en plus (et pour cause), ils ne vous adressent même pas la parole... et vous nient carrément... alors !
de cadavres à la « morgue » de la clinique Ngaliema qui s'appelait encore, à l'époque, clinique Reine Elisabeth.

Il y avait ensuite

Mademoiselle H
enriette, une jeune femme très gentille, très accueillante, toujours souriante et portant (à l'intérieur de la parcelle) volontiers des jupes courtes et des pantalons moulants... et même (en privé, dans l'intimité de son « salon ») des shorts sexy et des soutiens-gorge fluos... Le protecteur et l'amant friqué de Tantine Henriette était, fort heureusement, un cul de jatte qui travaillait pour l'omniprésente « sûreté » (héritière de l'ancienne sûreté coloniale, de ses hommes et de ses pratiques... mais qui allait bientôt devenir une agence nationale de « documentation »)... et dont les domaines de chasse privilégiés étaient les boutiques, la terrasse et le restaurant du rez-de-chaussée de l'hôtel Memling. Cet informateur (exerçant aussi, à titre privé, la profession de maître-chanteur, voire de pickpocket... ou de commissionnaire) faisait ostensiblement la manche et tendait ses grandes oreilles en rampant entre les tables occupées par une "clientèle internationale" qui l'ignorait ou ne le voyait même pas. Quand il avait réalisé une bonne affaire et qu’il avait gagné plein de (depuis 1967) "zaïres", l’amant friqué 
- Elle y en avait d’autres ! Et notamment Jimmy lorsqu’il lui donnait des bijoux... ramenés de Brazzaville avec la complicité de quelques contrebandiers professionnels : personnes « moins valides », piroguiers-passeurs ou agents du Beach Ngobila...
venait rejoindre Tantine Henriette, une fois la nuit tombée, dans sa voiture personnelle, une Peugeot conduite par un chauffeur particulier qui était prié d'attendre le chef à l'extérieur de la parcelle... parfois pendant des heures... jusqu'au moment où le boss avait fini ses affaires...

Et
enfin
il y avait
l'ineffable Madame Godard, à l'âge indéfinissable et dont personne (même ses amants ?) ne connaissait le prénom, une ancienne protégée
- Il a été mon papa ! ne cessait-elle de pleurnicher... ou de se vanter, avec une pointe d'arrogance !
du général Victor Lundula... Mâme Godard avait, sans doute, en 1960, dû trouver refuge « à la cité » pour échapper
- S'agissait-il d'une veuve ou d'une fille de colon ou de sous-officier de la Force publique, recueillie par le général Lundula (après quels « événements » ? et dans quelles circonstances?) et qui espérait, après l'Indépendance (c'était son rêve de liberté à elle... et du temps des Noko, il ne fallait même pas y penser), recevoir l'autorisation d'ouvrir un fritkot devant le marché Gambela, au quartier artisanal de Foncobel (l'actuel Kimbangu) ou du côté du bar Vis-à-Vis ?
aux paras belges qui voulaient
l'obliger à retourner en Belgique... Elle était devenue la "personne de confiance" du propriétaire de la parcelle, un ancien membre du gouvernement Adoula... et se chargeait de percevoir, pour le compte du "bailleur", les loyers dus par les locataires des différents deux-pièces... tâche dont elle s'acquittait, tous les mois, bruyamment et avec autorité.. jusqu'au jour où... mais il s'agit là d'une autre histoire... et
- Il y a prescription, non ?
Vieux Zumbel ne veut accuser personne...

Bon, bref,
ces trois Grâces aimaient jouer les élégantes et organisaient parfois
 - Mâme Godard (un casier de Primus par jour), entendait coopérer au développement de la condition féminine et, se prévalant de son expertise ethnique (nazali "vraie mundele », mpenza ! kobosana te !), se faisait fort, malgré son volume et son poids (considérables), d'enseigner à ses soeurs congolaises l'art de marcher « comme de vrais mannequins », ou encore "comme les femmes du monde des environs de la gare du Nord » (... et il y a une "gare du Nord" à Paris comme à Bruxelles, dans toutes les grandes villes de Poto, précisait-elle) ! Les autres locataires de la parcelle pouvaient, certes, suivre (de loin) les exhibitions de Mâme Godard et de ses pupilles... mais c'est Jimmy, un éphèbe (dont l'habit de lumière était, habituellement, un maillot de bain rouge vif, très collant ... lui mettant les couilles en valeur) et un esthète (autoproclamé), qui se chargeait d'arbitrer les joutes ! Ma Pauline et Mâme Godard l’accusaient parfois d’être partial... et ça se terminait d'habitude par une bagarre généralisée, joyeuse et très bruyante... mais pas trop quand même... pour éviter d'attirer l'attention des voisins !
des concours de miss ou des défilés de mode (en pagne, en sous-vêtements, en slip ou même, en fin de soirée, lorsqu'elles étaient toutes complètement beurrées
- Un dernier défilé pour la route !
carrément à poil), tout au fond de la parcelle, à l'abri des yeux et
- Miso ga ! Vigilance !

des oreilles des patrouilleurs-hyènes de la Jeunesse du Mouvement Populaire de la Révolution JMPR...

Tango ya Mobutu...
C'était le « bon vieux temps », n'est-ce pas ?
Peut-être ? Oui ? Non ?
On vote ?